Télé et violence
Le sujet revient régulièrement sur la sellette. La télé rend-elle violent ? La télé a-t-elle sa part de responsabilité dans les passages à lacte de type délictueux ou criminels ?
Des associations regroupant des familles mettent régulièrement en cause le rôle de la télé dans la violence actuelle. Est-ce une attitude de facilité ? une attitude qui feint dignorer dautres facteurs, les carences éducatives, lurbanisation, la situation sanitaire, linsertion sociale, les conditions de vie, la précarité, le type dhabitat et dautres encore ?
Est-ce quun pictogramme de prévention est une arme suffisante ou nous sert-il seulement de caution morale ?
Dans notre société où violence, chômage et sentiment dinsécurité sont des thèmes dinquiétude bien naturels, il est humain de vouloir trouver un " coupable ", avec cette volonté naïve et têtue de détecter quelque part une causalité strictement linéaire : " trop " ou " beaucoup " de programmes violents à la télé, " voilà lennemi ! " pourrait-on être tenté de sexclamer à la manière dun Gambetta.
Pour rendre compte de crimes particulièrement sanglants autour du film " Scream " (1996), des journaux ont même utilisé le terme de " screaminalité ".
Les criminels eux-mêmes entrent dans ce qui ressemble à une tentative dauto-justification: ainsi, Richard Durn, responsable de la tuerie de Nanterre de mars 2000, se compare au personnage incarné par Robert De Niro dans Taxi Driver de Martin Scorcese. Le film Tueurs nés, dOliver Stone, a également été évoqué par les deux jeunes qui ont abattu trois policiers et un chauffeur de taxi à Paris en octobre 1994, au terme dune folle course-poursuite.
Où en sont les études actuelles qui analyse limpact des images violentes de la télé sur les actes de violence ?
Celles-ci sétalent sur 50 ans et concernent des centaines de millier s de sujets. Il est aujourdhui possible de voir si leurs conclusions convergent ou non.
Les équipes de chercheurs déploient, pour schématiser, 4 types de méthodes dinvestigation auprès des personnes interrogées et observées :
- - questionnaire sur les émissions regardées puis questionnaire sur les conduites violentes dont le sujet aurait été lauteur (a-t-il frappé, insulté ?).
La moyenne des résultats révèle quun personne qui regarde des émissions violentes a entre 1 et 9% de comportements violents de plus que les autres.
- - mise en relation du temps passé devant des émissions violentes et fréquence des actes violents, par une étude longitudinale sur des enfants jusquà 19 ans.
Il se dégage des résultats que la probabilité de se comporter de façon violente à ladolescence augmente avec le temps passé devant des émissions violentes.
- - expérimentations en laboratoire : comparaison du comportement éventuellement agressif d'un groupe à qui lon projette un film violent à celui dun groupe témoin ayant vu un film " neutre ".
- - expérimentation sur une aire géographique, avant et après lintroduction de la télé.
Si on fait converger les résultats de ces différentes études et méthodes, on parvient à la conclusion que la télévision et ses images violentes ont un impact sur le comportement des personnes. Ainsi, la psychologue Susan Hearold sest attelée à la tâche de comparer les résultats de 230 études qui rassemblaient les données dun échantillon de 100 000 personnes. Toutes constataient un lien entre comportement agressif et lexposition à des scènes violentes.
Aujourdhui, des chercheurs, au vu de tous ces résultats, estiment à 5 à 10% les actes violents dont on peut rendre " responsable " la télévision. Cest à la fois peu et beaucoup. Comment expliquer le passage à lacte de certains, et pas dautres ? Par quels mécanismes lexposition à des images violentes rend-elle possible une attitude violente.
Cest ce que nous verrons dans un prochain billet.