Laïcité en Alsace: 1/3

Publié le par Gabrielle

Etant née à Strasbourg, j’ai vécu la " laïcité à l’alsacienne " durant enfance et adolescence. La période pascale a vu débats et critiques resurgir en Alsace avec l’ouverture de certains magasins le jour du vendredi saint, férié depuis 1892 (à l’instar du 26 décembre).

La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat ne s’applique pas en Alsace-Moselle, en raison de l’annexion à l’Allemagne à l’époque. Au retour dans le giron français, le statut dérogatoire ne fut pas revu et ces régions restent par conséquent une curiosité dans ce domaine.

Je vais parler de ce que j’ai connu de cette curiosité, soit les années 70-80. Je pense qu’aujourd’hui, les modalités d’organisation ont quelque peu changé avec le recul de la pratique religieuse.

En Alsace-Moselle, les prêtres sont fonctionnaires, payés par l’Etat. Dans les années 80, il s’en trouvaient 2 à 4 par paroisse strasbourgeoise : dans la " France de l’intérieur " (eh oui, c’est comme cela qu’on vous appelle !), un prêtre a la charge de 3 ou 4 paroisse, voire plus. Quatre cultes sont reconnus, à savoir les cultes catholique, luthérien, calviniste et israélite.

Jusqu’à 16 ans, les " cours de religion " sont obligatoires dans le cadre de la scolarité dans les écoles publiques. En cours préparatoire, j’ai même vécu cette scène qui va faire bondir tous ceux attachés à la laïcité : l’institutrice s’effaçait une heure par semaine et laissait la place au…curé. Nous étions, dans la classe tous de culture chrétienne. Les années suivantes, des " maman-catéchistes " prenaient le relais, toujours une heure par semaine.

Qu’étudions-nous ? je me souviens avoir fait beaucoup de coloriages, des scènes de la vie biblique et des vitraux. Pour l’anecdote, je me souviens des " menaces " du curé qui disait avoir toute une collection d’oreilles à son mur, découpées sur la tête des enfants peu sages…
A partir des années-collège, le curé a été remplacé par des " professeurs de religion ", eh oui, ça existe, recrutés avec un Deug de théologie. "L'heure de religion" apparaissait dans l'emploi du temps de la classe.
Je ne sais pas s’il y avait un " programme " à suivre par ces professeurs ou si la liberté pédagogique était un fait. Je me souviens avoir surtout vécu des cours qui s’apparentaient à de la " morale ", avec une touche de religiosité : les valeurs laïques étaient enseignées, mais toujours rattachées à l’un ou l’autre précepte chrétien. J'ai au moins eu la chance d'avoir un professeur très ouvert, Jean, qui nous parlait de développement durable et de solidarité internationale.
Autre bizarrerie, mais propre à mon collège de l'époque: une "note" de religion (en fait, une appréciation) a été intégrée au bulletin.
Comme nous étions encore majoritairement catholiques, la quasi-totalité de la classe suivait ces cours. L’Alsace était, et demeure, une région plutôt religieuse.

Car, si les cours de religion sont obligatoires, les parents ont le droit de dispenser leur enfant de cet enseignement. La démarche est inverse de celle de la " France de l’intérieur " : au moment de l’inscription (ou de la réinscription), les parents sont invités à cocher une case pour obtenir que leur enfant soit dispensé de ce cours. Normalement, un cours de " morale " devait être mis en place pour les dispensés, mais je n’en ai jamais vu fonctionner. Il n’y avait pas d’élève de confession musulmane ou israélite. Personnellement, j'ai souvent été dispensée d'EPS mais...pas de religion!
Voilà pour mon petit détour alsacien ! Rassurez-vous, on survit très bien à tout ça.

A lire, en téléchargement ici: la Lettre d'Information Juridique de décembre 2003. En page 26, vous trouverez l'article " Ecole et crucifix: élément de droit comparé". L'auteur commente diverses "affaires", de l'Etat de Kentucky à l'Italie, en passant par la Bavière et...l'Alsace.

Et ceci est mon 100ème article ici!

Publié dans citoyenneté

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H
Bravo pour ton 100ème article... Oserais-je dire bon anniversaire ?<br /> <br /> Il est vrai que vu de Belgique que cette particularité Alsacienne semble très "exotique" étant donné que l'organisation de notre enseignement suit d'asez près l'organisation de la "France".<br /> <br /> Quant à l'anectdote des oreilles accrochées au mur, je ne sais pas si l'impact serait toujours aussi grand actuellement ou si les étudiants se battraient pour voir cette collection pour peu "originale"<br /> <br /> Philippe (Alias Handimob)<br /> <br />
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